Extrait de Principes d'une esthétique de la mort de
Michel Guiomar, Librairie José Corti, 1967, page 221 :
Dans le Funèbre, la Mort n'est pas ce que refuse le Divertissement, ni la
tentation morbide du Lugubre, ni le mystère qui enfièvre l'Insolite, ni
l'horrible de la décomposition macabre, ni même une promesse apocalyptique
d'éternité. Elle est le retour accepté à la terre-mère qui nous réintégrant au
seul domaine commun à tout ce qui vit, nous identifie à notre essence. [...]
Cette identification, dès notre vie, de nous-mêmes et de notre destinée fait
alors de la Mort une familière dont la présence acceptée peut, dans une
acceptation totale, constante, extrême ― c'est le Funèbre pur ― devenir une
présence inconsciente, intimement assimilée, identifiée à notre Vie même : en ce
sens, le Funèbre est un sentiment passif. Passif, parce qu'il devient le rythme
même de notre vie, une respiration de l'âme, échappant autant à notre conscience
qu'à celle de notre corps.
C'est un tel Funèbre qu'exprime la lettre si souvent citée de Mozart à son
père :
Comme la mort est le vrai but et terme de notre vie, je me suis, depuis quelques
années, si bien familiarisé avec cette véritable et meilleure amie de l'homme,
que non seulement son imagination n'a plus rien d'effrayant pour moi, mais
qu'elle me tranquillise et me console beaucoup ! La mort est la clef qui nous
ouvre notre véritable félicité.
Dernière lettre à son père, 4-IV-1787